Les mosquées prolifèrent aux Comores, jusque dans les jardins de l’Assemblée nationale où trône depuis l’an dernier un bel édifice avec son minaret. Les fondamentalistes se font peu entendre mais pour combien de temps, c’est la question.
« La religion, c’est calme ici. Pas besoin d’être violent pour défendre la religion », assure Nasser Assoumani, directeur de l’association Maeecha supervisant des programmes de parrainages d’enfants.
Quant aux mosquées qui poussent partout, elles « font partie de notre culture, ce sont des monuments cajolés, ça n’a pas changé. Sauf qu’avant on les finançait au rythme de nos possibilités, et maintenant les financeurs se bousculent pour nous en faire cadeau », des pays du Golfe ou la diaspora comorienne, « donc on prend », explique-t-il.
Ce qui l’inquiète, comme les autorités qui sont « discrètement sur les dents », selon une source sécuritaire à l’aéroport de Moroni, ce sont « les gens bizarres qu’on croise au fin fond du pays ».
« Depuis quelques temps », dit M. Assoumani, « on voit des barbus du Pakistan qui viennent prêcher. Et ce qui me choque, c’est le nombre de femmes voilées – en tchador noir, on appelle ça les Ninjas – qui arrivent de France, des très jeunes ».
Sous Ahmed Abdallah Sambi, ex-président (2006-2011) bataillant pour être réélu en 2016, l’archipel francophone, musulman à 99% mais matriarcal par tradition bantoue, s’est rapproché des autres pays musulmans, monarchies pétrolières, Iran et Turquie.
Parallèlement, davantage d’étudiants, faute d’avoir la double nationalité franco-comorienne ou un visa français, sont partis ailleurs: « Si le Soudan te propose une bourse de 200-300 dollars, tu prends », souligne M. Assoumani.
« Ceux qui ont accordé des bourses ont été les autres membres de la Ligue arabe (dont les Comores font partie), notamment le Maroc, qui donne beaucoup de bourses aux Comoriens, la Libye de Khadafi, les pays du Golfe de manière générale, le Soudan également », indique Monsuf Said Ibrahim, avocat franco-comorien à Mayotte.
Avec la France, « les délais d’attente (pour un visa) sont devenus extrêmement longs, incompatibles avec la poursuite d’études », renchérit son confrère Laurent Toinette, qui traite des dossiers de régularisation à Paris.
Théologien de formation, l’ancien président Sambi n’en a pas moins présenté ses condoléances à la France après la tuerie (12 morts) dans les locaux de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo.
Les grands partis politiques et les dignitaires de l’archipel sont d’ailleurs allés à l’ambassade de l’ex-puissance coloniale le 12 janvier avec une pancarte « Je suis Charlie ».
– ‘Radicalisation latente’ –
Il n’y a eu aucune manifestation depuis la reparution de l’hebdomadaire satirique avec une nouvelle caricature de Mahomet en une. Contrairement à d’autres pays africains où des manifestations ont dégénéré en violences anti-françaises ou anti-chrétiennes.
« Pas encore, mais ils sont en train de se préparer », affirme Madi Mzé, selon qui des jeunes se sont récemment vantés devant lui de vouloir frapper la France aux Comores.
Cet ancien gardien de but de l’équipe de Marseille (France) souligne volontiers qu’il compte parmi ses amis l’islamiste Fazul Abdullah, impliqué dans les attentats de Nairobi (Kenya) et Dar es Salam (Tanzanie) en 1998, et Mombasa (Kenya) en 2002, et dont il ne croit pas à la mort, annoncée en 2011.
« C’est vrai que la vente d’alcool est réglementée. C’est vrai que pendant le ramadan, vous ne verrez personne ni manger ni boire pendant la journée. Mais j’ai toujours vu ça. Il y a un petit changement, certes. (…) Mais je n’observe pas la montée d’un islam plus radical », assure Me Toinette.
« Ici les gens ne se sentent pas exclus, donc les ferments de la radicalisation ne sont pas là », estime également Zile Soilihi, Comorien de Marseille d’où il gère l’association « Demain » s’occupant de développement aux Comores. « Les intégristes n’arrivent pas à changer le fond de l’islam comorien (sunnite), qui est tolérant. Récemment une loi sur la tenue des jeunes filles a été rejetée à l’Assemblée ».
« Moi, je trouve que cette radicalisation islamique est latente », contredit une hôtelière. « Il y a beaucoup de diplômés de l’université des Comores qui n’ont pas de travail, c’est une bombe » à retardement.
Pour servir de l’alcool, elle a une autorisation spéciale. « Mais je ne suis pas à l’abri d’un fou », dit-elle, préférant garder l’anonymat.
AFP