Alpha Condé veut un troisième mandat en Guinée et risque de plonger le pays dans des violences

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La démocratie naissante de la Guinée est en jeu alors que la résolution du président actuel Alpha Condé de défier la constitution et de se présenter pour un troisième mandat menace de plonger le pays dans la violence.

En vertu de la constitution actuelle, le président Condé n’est autorisé à purger que deux mandats de cinq ans. La seule façon dont il peut changer la limite présidentielle est par le biais d’une nouvelle constitution, qui nécessite un référendum.

Depuis octobre 2019, des groupes de la société civile et l’opposition politique ont mené des manifestations contre les tentatives du président de briguer un troisième mandat, et plus de 30 personnes ont été tuées alors que les forces de sécurité recouraient de plus en plus à des mesures violentes pour écraser les voix dissidentes.

Il y a des craintes que si le président Condé va de l’avant avec des plans pour organiser un référendum, il y aura plus de sang versé dans les rues. La Guinée est au bord du précipice et risque de retomber dans son passé dictatorial.

L’UA peut-elle se permettre de rester debout alors qu’un autre dirigeant africain menace de fouler aux pieds la constitution de son pays? L’élection du président Ramaphosa à la présidence de l’UA donne à l’UA l’occasion d’intervenir et de soutenir le progrès démocratique de la Guinée.

En coordonnant une série de dialogues entre le président et ses opposants politiques, l’UA a la possibilité de négocier une stratégie de sortie pacifique pour lui et de propulser le pays vers de nouvelles élections.

Pourtant, le président Ramaphosa prend la présidence de l’UA à un moment où l’Afrique est confrontée à une multitude de défis. En tant que président, il est chargé de l’énorme responsabilité de réaliser l’objectif de l’UA pour 2020 qui se concentre sur le «silence des armes» sur le continent, une aspiration établie par les dirigeants africains en 2013 pour arrêter la guerre et prévenir le génocide d’ici 2020.

Le travail du président Ramaphosa est rendu plus difficile par le fait que l’UA a des antécédents mitigés en matière de résolution de conflits. Il a connu quelques succès, par exemple l’année dernière au Soudan, quand il est intervenu et a amené la direction et l’opposition politique à se mettre d’accord sur un accord de transition après le renversement du président Omar al Bashir après des mois de protestations.

L’UA a également supervisé un accord de paix entre le gouvernement de la République centrafricaine (RCA) et quatorze groupes rebelles. Cependant, il a été accusé de ne pas en faire assez pour éviter les troubles dans les régions anglophones du Cameroun et a pris un siège arrière avec le conflit au Soudan du Sud.

La priorité immédiate de Ramaphosa est de faire comprendre au président Condé qu’il doit respecter la Charte africaine de la gouvernance démocratique et des élections. Le président Ramaphosa doit lancer des appels pressants pour qu’il se retire et supervise le dialogue avec l’opposition politique et la société civile.

L’UA devrait également collaborer avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et faire pression sur le président Condé pour qu’il se retire et ouvre la voie à l’organisation d’élections.

Si l’UA n’agit pas, cela gâchera une opportunité majeure pour les Guinéens de vivre leur toute première transition démocratique.

Si l’UA intervient et évite une nouvelle instabilité politique, elle empêchera la Guinée de suivre la voie d’autres dirigeants africains, notamment ceux du Burundi, du Cameroun et de l’Ouganda qui ont modifié la constitution et prolongé leur mandat. L’Union africaine a été accusée d’être restée dans le passé alors que ces dirigeants prolongeaient leur séjour, utilisant la violence dans certains cas.

Les recherches de CIVICUS montrent que lorsque les dirigeants autoritaires sont autorisés à prolonger leur mandat au pouvoir, l’espace pour les libertés démocratiques et politiques est devenu fortement restreint. La Guinée est actuellement sur la liste de surveillance des pays sur le Moniteur CIVICUS, un outil en ligne qui suit l’espace civique dans les pays du monde entier.

Si l’UA, sous la présidence du président Ramaphosa, parvient à prendre des mesures décisives pour négocier une sortie pour le président Condé, elle renforcera sa réputation sur le continent.

Il enverra également un message retentissant à d’autres dirigeants autoritaires que l’UA ne tolérera pas leurs tentatives d’usurper la volonté de leur peuple et de modifier les constitutions pour conserver le pouvoir.

Pour le président Condé, une sortie digne lui fera gagner une place respectée dans le cœur de millions de Guinéens et assurera son héritage de «père de la démocratie». Si rien n’est fait, l’UA devra faire face à une Guinée qui sombrera dans la violence, et alors qu’elle tente de «faire taire les armes» dans les pays touchés par un conflit, il pourrait être dans son intérêt d’empêcher les armes de se déclencher en Guinée en premier lieu.

Marietou Ndiaye

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