La France, Blaise Compaoré et le gouvernement ivoirien seraient les vrais responsables de l’attentat terroriste d’Ouagadougou?

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Leslie Varenne, Journaliste spécialiste de l’Afrique, directrice de l’Institut de veille et d’études des relations internationales et stratégiques (Iveris).

Le Burkina Faso est à 60 % musulman, 63 ethnies y vivent en paix. Y avez-vous observé un risque de radicalisation lors de vos récentes enquêtes ?

Absolument aucun. C’est un problème qui n’existe rigoureusement pas, au Burkina. Il y a énormément de mariages mixtes, énormément de cérémonies œcuméniques, bref aucune radicalisation dans cette Afrique francophone que je connais. Les terroristes qui ont attaqué à Ouagadougou ne sont d’ailleurs pas Burkinabè mais ce qu’il faut surtout relever c’est que l’attaque de vendredi est le premier attentat jihadiste à Ouagadougou. C’est d’autant plus exceptionnel que du temps de Blaise Compaoré, qui avait joué un rôle de «facilitateur» dans la crise au Mali, les jihadistes étaient reçus et soignés à Ouagadougou. Il y a d’ailleurs beaucoup de leurs représentants du nord Mali qui vivent dans la capitale burkinabè et jusqu’ici, il ne s’était jamais rien passé.

Vendredi, juste avant l’attentat, on venait d’apprendre que le Burkina Faso avait émis un mandat d’arrêt international contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro, accusé par la justice militaire burkinabè d’avoir soutenu la tentative de coup d’état du général Diendéré en septembre dernier. C’est en côte d’Ivoire, aussi, qu’est réfugié Blaise Compaoré, chassé après 27 ans de pouvoir, et qui vient de demander la nationalité ivoirienne, afin de ne pas être extradé vers son pays d’origine. Dans ce contexte, une instrumentalisation de l’attaque est-elle possible ?

Blaise Compaoré a déclaré : «moi vivant, Roch ne sera jamais assis», comprendre que le nouveau président Roch Marc Christian Kaboré ne serait jamais assis dans son fauteuil présidentiel. Et oui, il faut revenir au coup d’état manqué du général Gilbert Diendéré. On sait maintenant que le Burkina a été très longtemps la base arrière des rebelles ivoiriens anti-Gbagbo, jusqu’en 2010. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est la base arrière de ceux qui ont soutenu ces rebelles ivoiriens, dont faisait partie Guillaume Soro, contre Laurent Gbagbo. Les écoutes de Guillaume Soro et de Djibrill Bassolé, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, sont d’ailleurs édifiantes quant à l’aide que le premier propose au général putschiste au moment où Diendéré a tenté de prendre le pouvoir. Soro savait que le Burkina allait demander son extradition. Mais Soro intéresse aussi les juges en France, France qu’il a dû fuir en décembre dernier lors de la COP 21, grâce à une immunité providentielle accordée par le président ivoirien Alassane Ouattara alors qu’un mandat d’amener avait été lancé contre lui, suite à une plainte de Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo. Et puis Soro, qui, jusqu’à cette succession d’ennuis se voyait en successeur de Ouattara, est également dans le collimateur de la Cour pénale internationale ainsi que ses chefs de guerre dans le cadre du procès à venir de Laurent Gbagbo.

Malgré la revendication d’Aqmi, l’hypothèse d’une piste ivoirienne n’est donc pas à écarter selon vous ?

Elle n’est surtout pas à écarter. Soro et Compaoré sont dos au mur et prêts à mettre le feu à la région et l’un comme l’autre sont loin d’être sans contacts au Mali. Mais l’attaque de Ouagadougou pose aussi une autre question : pourquoi les services maliens, ivoiriens, français ou américains, n’ont-ils rien vu venir, sachant au surplus que la France et les États-Unis ont leurs forces spéciales basées dans cette capitale ? Pour les Burkinabè, on peut comprendre, ils sont en pleine transition politique. Mais pour les autres ?

Recueilli par Pierre Challier
Ladepeche

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