Exécutions sommaires de civils détenus, essentiellement des personnes âgées
Lorsque les Forces républicaines déferlaient sur un village, les personnes âgées ou malades, ainsi que leurs proches qui refusaient d’abandonner les êtres chers incapables de fuir, sont souvent restés dans leurs maisons. Dans plusieurs cas au moins, les Forces républicaines ont enfermé ces personnes dans une ou plusieurs maisons du village pour ensuite les tuer dans les jours qui ont suivi.
Human Rights Watch a recueilli des informations sur les meurtres d’une trentaine de Guérés qui n’avaient pas été en mesure de fuir avec leurs familles ; dans la vaste majorité des cas, les Forces républicaines ont abattu les victimes âgées à bout portant. Des dizaines d’autres réfugiés interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir laissé derrière eux les personnes âgées qui leur étaient chères dans d’autres villages autour de Toulepleu et de Bloléquin, ce qui semble indiquer que ce bilan meurtrier pourrait s’avérer plus lourd encore.
Une femme guéré de 21 ans originaire d’un village proche de Toulepleu a confié qu’au début mars, elle, sa famille et cinq autres villageois avaient été maintenus en détention. Elle a été violée, son mari a été tué pour avoir essayé de la défendre, et d’autres ont été exécutés :
Le village a été attaqué par des rebelles [aux alentours du 7 mars]. Les loyalistes [troupes pro-Gbagbo] étaient restés dans le village pendant un certain temps avant, mais ils avaient fui juste avant l’arrivée des rebelles. Mon mari, mes deux enfants et moi nous sommes cachés chez nous. Les rebelles nous ont trouvés et nous ont emmenés dans la maison du chef du village, où nous avons été détenus pendant une semaine environ, avec cinq autres villageois, dont deux femmes.
Chaque jour, ils prenaient quelqu’un et l’abattait devant la maison. Les rebelles entraient, emmenaient la personne dehors, et puis un coup de feu retentissait et la personne ne revenait plus jamais. Le cinquième jour, j’ai été violée dans la maison par l’un des rebelles. Il m’a violée sous les yeux de mes enfants. Lorsque mon mari a tenté de me défendre, ils l’ont emmené dehors, ont tiré un coup de feu, et il n’est jamais revenu.
Peu de temps après, quelque chose a volé au dessus de nos têtes. C’est passé deux fois, et tous les rebelles ont quitté le village. C’est alors que j’ai pris mes enfants et que j’ai traversé la frontière pour aller au Libéria.
Une femme de 67 ans originaire de Doké, où des combats entre les forces de Ouattara et celles de Gbagbo ont eu lieu le 13 mars, a fourni à Human Rights Watch une description analogue de l’exécution de 20 civils guérés, en majorité des hommes et femmes âgés :
J’ai été réveillée par des coups de feu le premier jour où ils ont attaqué Doké. J’étais chez moi, et quand j’ai entendu les tirs, je suis sortie en courant. Les rebelles m’ont immédiatement capturée. Certains portaient un camouflage militaire ; d’autres étaient en t-shirt et en pantalon militaire. Il y avait des camions-cargo militaires et des 4×4 autour de la ville. Six d’entre eux nous ont cernées, moi et quatre autres personnes. Ils nous ont enfermées dans l’une des plus grandes maisons du village. Alors qu’ils nous mettaient là, l’un d’eux a dit : « On n’est pas venus ici pour vous. On n’est pas venus ici pour vous tuer. »
Le deuxième jour, ils ont amené d’autres personnes dans la maison. Certaines étaient du village, pour la plupart d’autres personnes âgées ou malades qui ne pouvaient pas fuir. Et puis, il y a eu d’autres personnes comme nous qu’ils ont amenées des villages voisins. Au total nous étions plus de 30, peut-être même plus de 40. Nous avions tous plus de 45 ans.
C’est ce jour-là qu’ils ont commencé à tuer. Les rebelles ont traîné les gens hors de la maison et puis les ont exécutés juste devant. Je pouvais regarder dehors et j’ai tout vu. J’étais tellement surprise la première fois, on a tous pleuré, sachant alors qu’on allait mourir. Ils ont empoigné un vieil homme – ils étaient trois à être entrés – l’ont traîné dehors, lui ont dit de s’éloigner en marchant, puis ils l’ont abattu à deux-trois mètres de distance. Son corps s’est simplement écroulé sur le sol. Puis, ils sont rentrés et ont saisi quelqu’un d’autre. Ce jour-là, ils ont tué le chef de notre village. Ils lui ont réclamé 100 000 francs CFA [environ 210$US, 152 Euros] mais il leur a dit qu’il n’avait pas d’argent. Ils ont tiré trois coups de feu ; c’est le troisième qui l’a tué.
Au total, ils ont tué plus de 20 personnes détenues là. Je les ai toutes vues de mes propres yeux. Cela s’est passé sur trois jours ; ils en ont tué plusieurs chaque jour. Ils en ont tué quelques-unes en leur tranchant la gorge avec une machette, mais la plupart [des meurtres], c’était par balles. Ils ont surtout tué des hommes, mais ils ont exécuté quelques femmes aussi. Nous les vieux et les malades, on ne pouvait pas fuir la guerre. Quel combat leur a-t-on livré ?
Un jour, j’ai entendu l’un d’eux dire à un autre rebelle : « Ce sont des gens qu’on va tuer. Ce sont les Guérés qui ont provoqué cette guerre. » Mais sinon, ils ne nous ont pas parlé. Il y en avait beaucoup qui faisaient les exécutions. Cela changeait chaque jour. De nouveaux 4×4 remplis de rebelles arrivaient toujours, amenant de nouvelles personnes. Doké est devenue leur base au moment où ils envisageaient d’attaquer Bloléquin.
Après trois jours d’exécutions, ils ont rassemblé quelques cadavres et les ont brûlés. L’odeur était épouvantable à cause de tous les corps en décomposition devant la maison.
Ils m’avaient frappée sur le pied avec une Kalache le premier jour, et mon pied était vraiment enflammé. Un jeune rebelle est venu me trouver à cause de ma blessure et m’a dit que je devais aller dans la brousse ramasser du bois pour cuisiner pour eux plus tard. Il a dit à son ami que je ne pouvais pas m’enfuir vu que mon pied était très enflammé. Ils ne se rendaient pas compte que j’étais encore forte, que je savais que si je restais, je serais tuée. Donc quand je suis allée dans la brousse pour chercher du bois, j’ai pris la fuite.
Je suis restée dans la brousse pendant deux semaines, et je suis arrivée ici il y a neuf jours. Je ne sais toujours pas où se trouvent mon mari et mes enfants. Ils ont fui lorsque les combats ont commencé, et je ne sais pas s’ils ont pu s’échapper. Je demande à de nouveaux réfugiés chaque jour, mais je n’ai toujours pas de nouvelles.
Un homme de 84 ans détenu dans une autre maison de Doké avec six autres Guérés a expliqué que le cinquième jour de leur captivité, des membres en uniforme des Forces républicaines ont verrouillé la maison dans laquelle ils étaient détenus et qui ne comptait qu’une seule pièce, ouvrant ensuite le feu à travers les murs. Cinq des sept captifs sont morts immédiatement, tous avaient plus de 50 ans, et le témoin a eu trois blessures par balle à la jambe gauche.
Les forces pro-Ouattara ont quitté le village – qui a été repris brièvement le jour même sans coup férir par les forces pro-Gbagbo – permettant à l’homme de s’échapper avec l’autre survivant. Ils ont trouvé une voiture qui les a emmenés à Guiglo, où la Croix-Rouge les a soignés. Menacé par une autre attaque imminente des Forces républicaines à Guiglo, l’homme de 84 ans a parcouru pendant deux semaines plus de 100 kilomètres à pied pour rejoindre le Libéria et trouver refuge dans un village libérien.
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Ne pas oublier que HWI et Amnesty soutenaient Ouattara dans la crise post-électorale.
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